Aura, qui es-tu ?

Tu arrives toujours sans prévenir quand je ne m’y attends pas. Tu surgis de nulle part, coup de tonnerre dans un ciel radieux ; coup de canon qui vient plomber ma journée. Au début, je n’en suis pas sûre. Est-ce un reflet ? Un effet d’optique ? Une lumière trop intense qui m’aurait éblouie ? Mais non : c’est bien toi. En un clin d’œil, je te reconnais. Un clin d’œil et tu t’installes sans y avoir été invitée. Le monde se brouille autour de moi. Les choses deviennent fugaces et insaisissables à ma vue. Je sais que j’ai deux cachets roses dans la paume de ma main. Je les avale sans les voir. De toute façon, ils ne font pas le poids contre toi. C’est une bataille perdue d’avance. La douleur viendra, c’est sûr. Elle s’insinuera mine de rien, très discrète d’abord. Puis elle se logera carrément dans la moitié de mon crâne et je ne serai plus qu’une loque.

Mais pour l’instant, je me sens bien. Je n’ai pas mal : je regarde l’étrange tableau cubiste en mouvement que tu m’offres à voir… Comme c’est drôle ! Et comme c’est fatigant ! Il vaut mieux s’allonger et fermer les yeux. Bientôt, tu feras du moindre mouvement une torture. Bientôt, ils me parleront et je ne les comprendrai pas. Les mots m’abandonneront. Ils se feront volatiles et changeants dans ma tête. Je ne parviendrai plus à les attraper, à les mettre en ordre. Faire une phrase… Est-ce que ce mot va bien là ? Ou là ? Et puis d’abord, est-ce que c’est bien ce mot-là ? Qu’est-ce qu’il veut dire, déjà ? Je ne sais plus ! Que c’est fatigant ! Dormir. Je ne veux plus m’entendre peiner à penser. Je veux oublier les mots qui me trahissent, la douleur qui s’inscrit dans ma tempe, les picotements qui se baladent dans ma bouche… Je te sens qui bourdonne dans ma tête. Bzzz… Je déteste la lettre Z. Bzzz… Vomir-movir-dormir…  Je voudrais dormir. Vite, plonger dans l’oubli.

A mon réveil, je tâcherai comme d’habitude de reprendre le cours de ma vie là où tu l’as une fois de plus suspendu. Je ne m’agiterai pas. Je ne me pencherai surtout pas. J’éviterai les escaliers comme la peste. Je parlerai doucement. Surtout ne pas raviver le douloureux souvenir que tu m’auras laissé de ton passage.

Sournois héritage reçu du fond des âges, ta visite impromptue n’a pas duré deux heures ;  tu m’accableras pendant deux jours.

14 réflexions sur “Aura, qui es-tu ?

  1. Pingback: La migraine avec aura, c’est quoi ? « Hémicrânia

  2. Ah voila, elections, petits tour au marche et migraine accompagnee!
    Le retour…
    Je retrouve les signes un par un, j’ai 26 ans et en fais souvent mais la sensation d’etre paralyse une fois de plus : ca!, j’y arrive tjs pas!
    La peur, oui vraiment et je ne sais tjs pas y faire face.

    Des petits conseils ou astuces?!
    Mercii. Et j’aimerai tant quel me fiche la paix!

    • Bienvenue Krystel !
      La peur de la crise qui peut survenir à tout moment, je connais ça. Dans les périodes où les crises sont fréquentes, je n’aime pas beaucoup m’éloigner du bercail. J’ai toujours peur que ça me prenne dans un endroit où ce sera difficile à gérer, où je ne pourrai pas me mettre « hors service » dès les premiers signes. Je redoute par dessus tout le fait de devoir entrer en interaction avec un inconnu (qui ne sait pas ce que j’ai) au moment où j’ai du mal à trouver mes mots. C’est une situation vraiment gênante.
      Je n’ai pas vraiment de conseils à te donner si ce n’est de ne pas paniquer et d’accepter la crise quand elle arrive. De toute façon, on ne peut rien faire d’autre, n’est-ce pas ? L’ibuprofène est assez efficace pour soulager partiellement la douleur, mais je ne connais rien pour contrer ce que j’appelle « les troubles annexes ». Patience et longueur de temps, donc…
      Sinon, il y a peut-être une cause identifiable à tes crises fréquentes. Une contraception hormonale, par exemple, peut entraîner un « pic », une vague de crises (ce sera l’objet d’un prochain post). Changer de mode de contraception peut parfois aider à diminuer la fréquence des crises.
      Je t’invite vivement à intervenir autant que tu le veux sur le blog ou sur sa page Facebook. Partager nos expériences ne peut être que bénéfique pour mieux comprendre nos crises.
      A bientôt

  3. J’ai découvert ces « auras migraineuses » a 32 ans. Batterie d’examens, et divers investigations ont du confirmer ce diagnostic. Mon neurologue fut trés surpris de cette venue si tardive.
    Cela a commencé en octobre pendant une periode de grand stress. J’étais à l’école d’infirmière, pendant un stage, quelques infirmières pas trés sympa et boom !!
    La première a était terrifiante pour moi, surtout moi qui travaille dans le milieu. Tout m’a traversé l’esprit (AVC, tumeur, meningite….). Finalement cela s’est répété encore et encore, mais je n’arrive pas à cohabiter. Elle est venu s’installer dans ma vie mais pas toute seule, depuis je suis angoissée en permanence. Le fait d’aller chercher mon pain m’angoisse. J’ai le coeur qui palpite, les mains qui tremblent et je me sens stone tout le temps. Sensation de ne pas être là, que je vais tomber tout le temps. Et bien évidement le fait de m’angoisser à ce point entraîne inévitablement une crise. Je ne sais comment reprendre ma vie telle qu’elle était avant, jamais je n’avais peur de perdre le contrôle de moi même.
    Je voudrais souligner le bien fait de partager ces sensations. Te lire et me dire que je ne suis pas seule et fort rassurant. A un moment donné j’ai bien cru que j’allais devenir complétement conglée.
    Combien de temps mettez vous a récuperer d’une crise ? Des fois j’ai l’impression que ca met des jours et des jours !! ou est-ce moi qui crée ses symptômes par mon angoisse ?
    Merci
    emmanuelle

    • Bienvenue Emmanuelle ! C’est vrai que c’est surprenant d’avoir ses premières crises à 32 ans. Comme quoi, la migraine est capricieuse !
      Je comprends tout à fait cette angoisse par rapport à la crise qui peut arriver à tout moment. Moi-même, dans les périodes où j’ai des crises fréquentes, je vis dans la peur. Surtout pour conduire ! C’est très angoissant. Dans ces périodes-là, j’évite au maximum les situations dans lesquelles une crise pourrait être gênante – voire compliquée (comme la crise « 2 en 1 » que j’ai racontée au début de ce blog et qui m’a prise alors que j’étais au volant, que l’heure approchait d’aller chercher mes enfants à l’école, à l’autre bout de la ville, et que personne d’autre que moi ne pouvait y aller…). Forcément, dans ces périodes-là, je sors moins, je n’ose pas prendre de rendez-vous ni prévoir des choses qui risqueraient de tomber à l’eau en un clin d’œil.
      Mais bon, comme j’en ai déjà parlé quelque part ailleurs, je me dis qu’il y a quand même un point positif avec la migraine, contrairement à d’autres troubles comme l’épilepsie par exemple, c’est qu’on reste conscient pendant la crise. Même si on ne voit pas bien et même si, comme moi, à un moment de la crise, on a du mal à parler et on se sent un peu confus, on reste malgré tout conscient de ce qui se passe et donc, on n’est pas en danger. Je trouve que c’est déjà énorme ! Les épileptiques ne peuvent pas en dire autant ! Donc, je m’estime assez heureuse de pouvoir réagir quand la crise arrive ; de pouvoir, par exemple, me garer sur le bas-côté de la route pour attendre en toute sécurité que ça passe…
      Dans le groupe « Migraine ophtalmique« , sur Facebook, Alexa suggère de respirer à fond et calmement, et je crois qu’elle a parfaitement raison. Je pense vraiment que le mieux qu’on puisse faire, c’est d’accueillir la crise quand elle survient ; de l’accepter quand elle est là et d’accepter le fait qu’il faudra fonctionner au ralenti les jours suivants… Après tout, c’est pas si grave… On a bien le droit de se mettre un peu entre parenthèses le temps de récupérer.
      Pour répondre à ta question, je compte bien 2 jours au ralenti après chaque crise, parfois plus. Et je m’accorde ce temps de récupération sans le moindre scrupule !!! D’ailleurs, à la maison, tout le monde sait de quoi il s’agit et s’il leur arrive d’oublier, je leur rappelle gentiment que c’est un lendemain de crise… Tout le monde sait ce que ça veut dire (ne pas crier, ne pas s’agiter…).
      Juste une chose encore après avoir relu ton témoignage : si une crise arrive alors que tu es dans la rue – que tu vas chercher ton pain, par exemple – c’est pas si grave (à moins que tu aies des migraines hémiplégiques ?)!!! Ce sont tes sensations qui sont modifiées, mais le trottoir, lui, il est toujours sous tes pieds !!! Tu peux faire demi-tour et rentrer chez toi calmement, même si tout autour de toi ressemble à un tableau cubiste en mouvement…
      Courage ! Il faut juste faire avec !

      • Emmanuelle, je vois que tu es IDE, comment fais tu pour gérer les migrainnes au quotidien ? Comment ça se passe quand tu es avec un patient et bim la migraine ? Je rentre en ifsi et pour avoir fait une prépa on a déjà essayé de me décourager quant à cette profession à cause de mes migraines donc ça m’engoisse un peu..
        Merci de ta réponse

    • Merci Sébastien. Je n’ai pas abandonné le blog, mais je suis juste très occupée ailleurs…
      Et puis, côté migraine, je suis assez tranquille ces derniers mois, alors quand Aura m’oublie de son côté, j’aime bien l’oublier aussi. Elle se rappellera à mon souvenir bien assez tôt, va !!!
      Sinon, un défi d’écriture, ça m’intéresse…

  4. Bonjour,
    je tenais à te dire un grand merci pour ton blog et tes articles. Je suis migraineuse depuis 15ans maintenant et j’étais arrivé à plutôt bien géré tout ça.mais mes deux dernières crises m’ont apporté un nouveau « symptôme » : les troubles du langage.ça a été pour moi très déstabilisant et effrayant de perdre le contrôle comme ça.j’ai alors eu besoin de chercher des témoignages et ton blog est un réel soutien car je n’ai jamais rencontré quelqu’un avec des migraines comme les miennes.beaucoup pensent quand je parle de migraine que eux aussi ont « des fois bien mal à la tête » et ne s’imaginent pas ce qu’on peut ressentir pendant une crise au delà de la simple douleur.tu parlais que tu avais besoin de deux jours pour récupérer et je voulais savoir comment tu te sentais dans ces moments la?car personnellement j’ai un peu l’impression que mes symptômes annexes sont toujours la en filigrane,que mes sensations ne sont pas encore tout à fait comme d’habitude.
    en tout cas merci encore pour ces témoignages et bonne continuation
    Betty

    • Merci beaucoup Betty pour ton témoignage. Je suis heureuse d’avoir pu t’aider un petit peu. Moi non plus je ne connais personne qui ait des troubles du langage pendant les crises ni même l’état de confusion qui va avec. Mes deux grands sont aussi migraineux mais ils n’ont que des troubles visuels et la douleur qu’on soulage avec de l’ibuprofène. C’est très efficace au moment de la crise.
      J’ai aussi l’impression que les troubles restent latents pendant deux à trois jours, en filigrane exactement comme tu le dis. J’ai notamment la sensation de perdre mon champ visuel par moments, quelques secondes. C’est très fugace mais ça me donne toujours l’impression qu’une autre crise se prépare. Et puis ça passe..
      jusqu’à la crise suivante !
      Bonne continuation, Betty.
      Au plaisir de te lire 🙂

  5. bonsoir , j’ai 52 ans et je vis avec mes migraines depuis l’age de mes 6 ans je viens d’une grande lignée de migraineux super héritage . la je sature avec mes 4 a5 crises par jours en ce moment il faut que çà sarréte sa me gàche la vie .et pourtant a chaque fin de crise , je trouve la vie magnifique les couleurs superbes et je me dit que s’est la derniere, mais non se sournois petit brillant reviens et vas continuer de grandir et les visages vont se déformer ,les mots n’aurons plus de s’ anse ni les idées et .les fourmilles s’installent on ne sent plus que la moitiée de son visage .bref que du bonheur .malgrée les privations depuis de nombreuses années de chocolat de fromage , pommes ,bananes, parfums, elle ne me lache pas .je la hais mais elle m’aime tellement qu’elle ne veut pas me quitter !

    • Bonsoir Rose,
      Votre message m’interpelle : 4 à 5 crises par jour, c’est énorme ! Vous devez être complètement épuisée ! Est-ce que vous avez toujours eu des crises aussi fréquentes ou c’est quelque chose de récent ? Si c’est récent, je vous suggère de voir ce qui a changé récemment dans votre mode de vie. Un traitement hormonal ? Un traitement médicamenteux ? Ou peut-être un problème de cervicales (c’est arrivé à ma mère) ? Ou alors une dépression ?
      Ce sont justes quelques pistes basées sur ma petite expérience personnelle. Je souhaite sincèrement que vous allez trouver rapidement un moyen de réduire la fréquence de vos crises. Je sais combien c’est difficile à vivre. On reste dans un état de confusion, au ralenti. La dernière fois que j’ai eu des crises à une telle fréquence, j’étais en dépression à cause de mon logement – les crises ont cessé du jour au lendemain quand j’ai déménagé ! Et la fois d’avant, c’était à cause d’un traitement hormonal. Mon médecin n’a pas voulu me le changer. À bout de forces, j’ai fini par flanquer les plaquettes à la poubelle et les crises se sont espacées jusqu’à leur rythme habituel de 3 à 4 par an (au lieu de 3 à 4 par jour) !!!
      N’hésitez pas revenir me donner des nouvelles ou à aller sur le groupe « migraine ophtalmique » sur Facebook (le lien est dans la barre de menu à droite).
      Beaucoup de courage.

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